Homosexualité au Cameroun

Les actes punissables à l’art. 347 bis du code pénal constituent un délit instantané et non un délit continu : Les affirmations du Pr. Messanga Nyamding et ses co-panelistes s’écartent ainsi donc du droit en vigueur et la pratique des tribunaux camerounais en matière d’homosexualité au Cameroun.

Villeneuve VD, le 10 aout 2021
Par Charly Noah.
Docteur en droit

Monsieur Bengono, citoyen suisse originaire d’Akonolinga (Cameroun) a épousé un Suisse. Le couple s’est rendu au Cameroun dans le cadre d’un séjour privé.

Les actes homosexuels sont érigés en infractions sur le fondement de l’art. 347 bis du Caode pénal camerounais.

Le mariage entre les personnes de même sexe est admis en droit Suisse où leur union a été célébrée.

Arrivés au Cameroun pour des raisons qui leurs appartiennent, certains médias et intellectuels camerounais ont estimé que la justice camerounaise aurait dû, à tout le moins, les expulser du territoire camerounais au motif que le mariage entre deux personnes de même sexe constitue une atteinte à l’ordre public matériel camerounais, en ce qu’il viole manifestement les dispositions fixées au visa de l’art. 347 bis du Code pénal camerounais.

Il sera question, tout au long de cet avis, de démontrer, tour à tour que, d’après l’art. 347 bis du code pénal, les actes homosexuels y prohibés constituent un délit instantané, et non un délit continu, d’une part. D’autre part, ce que le législateur camerounais entend par « ACTE » homosexuel n’est rien d’autre que l’élément constitutif de l’infraction qui caractérise les seuls délits matériels.

Aussi, sans préjudicie du bienfondé de l’existence des mécanismes fixés au visa de l’art. 347 bis du Code pénal, la seule question dont je me donne ambition d’examiner dans la présente espèce est celle de l’application du Code pénal camerounais, en partant des deux aspects listés ci-dessus.

Aussi me parait-il déterminant en premier lieu et à la lumière de l’art. 7 al. 1 Code pénal, de se poser la question de savoir où l’acte querellé a été commis, puis de rechercher si cet acte a produit un résultat au Cameroun. De la réponse à ces questions dépendra l’application de l’art. 8 Code pénal.

Selon l’art. 7 al. 1 CP : « La loi pénale de la République s’applique à tout fait commis sur son territoire ».

Le couple Bengono s’est marié en Suisse.

D’après l’art. 8 al. 1 CP : « La loi pénale de la République s’applique :
a) A toute infraction dont l’un des éléments constitutifs s’est trouvé réalisé sur son territoire ».

Il est superflu de rappeler que c’est en Suisse que le couple Bengono a agi. Le mariage entre deux personnes de même sexe est un acte d’homosexualité que l’art. 347 bis Code pénal érige en délit instantané et non pas un délit continu, c’est-à-dire un délit consommé par la célébration du mariage et non pas par le fait de demeurer en état d’homosexuel.

Reste alors à déterminer si l’acte commis par le couple Bengono a produit au Cameroun un résultat, au sens de l’art. 7 al. 1 du Code pénal.

La plupart des auteurs s’accordent pour dire qu’il faut entendre par résultat, au sens de l’art. 7 CP, le dommage à cause duquel le législateur a rendu un acte punissable. Un tel dommage ne se produit pas seulement dans les infractions qui sont constituées par un résultat, au sens technique du terme (délit matériel), mais aussi dans celles qui sont constituées par une simple activité (délit formel), même si la loi ne fait pas état du dommage.
La seule différence entre les deux cas est que, dans le premier, le résultat peut être distingué de l’acte, alors que, dans le second, en tant qu’effet nécessaire de l’acte, il est inclus dans celui-ci, comme en découlant nécessairement et sans qu’il ait été nécessaire d’en faire un élément constitutif de l’infraction.
Si bien que la théorie de l’ubiquité, consacrée à l’art. 7 CP, ne saurait avoir pour conséquence que le droit camerounais n’est applicable que si le résultat est un élément nécessaire de l’infraction et non pas lorsqu’il est implicitement contenu dans celle-ci comme conséquence nécessaire de l’acte.

Ngan Ngan (souffrant en ce moment et à qui j’adresse mes vœux de rétablissement) et les gens extrêmement médiocres du MRC-BAS-AMBAZONIA trouveront que tout ceci n’est que du charabia. Mais ce n’est pas un argument.

Je dis que si l’on doit se référer à la définition du mot « résultat » (terme juridique très technique) tel que je viens de le définir, on devrait, in casu, puisqu’il ne s’agit pas d’un délit de mise en danger abstraite, rechercher quel est le dommage à cause duquel le législateur camerounais a entendu réprimer les actes homosexuels, et ensuite considérer ce dommage comme le résultat de l’acte, au sens de l’art. 7 CP, sans se préoccuper de la distinction entre délit formel et délit matériel et en abandonnant notamment l’idée que le résultat doit être nécessairement l’un des éléments constitutifs de l’infraction.

Or, le dommage à raison duquel les actes homosexuels ont été érigés en infraction sont définis comme l’atteinte portée au principe du mariage entre un homme et une femme, qui est la base des rapports sexuels tel que cela est conçu dans notre pays.

De telle sorte que le résultat, au sens de l’art. 7 CP, se confondrait dans ce cas avec l’atteinte portée au bien juridiquement protégée, même s’agissant d’un bien purement abstrait. Un tel raisonnement conduirait logiquement à considérer que toute personne étrangère en séjour au Cameroun ayant perpétrée un acte homosexuel hors du territoire camerounais serait punissable au regard de l’art. 347 bis CP.
Il en résulterait de telles conséquences tant sur le plan théorique que pratique, qu’aucun des législateurs qui ont érigés l’acte homosexuel en infraction n’ont envisagé une telle possibilité.

Aussi, convient-il de rappeler, en effet, que le résultat est une notion technique fondée sur la seule atteinte portée à l’objet de l’infraction. Cette notion désigne alors une modification du monde extérieur, imputable à l’auteur et faisant partie des éléments constitutifs de l’infraction. Ainsi défini, il ne peut y avoir de résultat au sens technique que pour une seule sorte d’actes punissables, à savoir les délits matériels. Cette notion doit alors être clairement distinguée de celle d’atteinte au bien juridique protégé, qui est commune à toutes les infractions.

Les délits formels sont caractérisés en ceci que seul le comportement de l’auteur, action ou omission, est à même de mettre en danger ou de léser le bien juridique, tandis que, pour les délits matériels, c’est l’avènement du résultat qui amène la mise en danger ou la lésion du bien juridique protégé.

Si, à l’exemple des Professeurs Messanga et Bayebek, de Messieurs Elimbi Lobe et l’autre constituant le panel de l’édition du Club d’Elites du dimanche 08.08.2021, on devait considérer que les autorités camerounaises auraient dû agir à l’encontre de ce couple homosexuel, on donne au champ d’application du Code pénal camerounais et à la compétence des tribunaux camerounais une extension telle qu’elle apparaît comme inacceptable, tant en regard du droit des gens que de la loi elle-même. Une telle extension conduirait, dans certains cas, le juge à assurer la répression au Cameroun sans se préoccuper de savoir si l’acte en cause est réellement punissable là où il a été commis.

Le législateur Camerounais n’a pas voulu cela. Tout au contraire, il a souhaité que la question du lieu de commission de ce genre de délits puisse être résolue, en aboutissant probablement aux mêmes solutions pratiques, par une interprétation de la notion de « lieu où l’auteur a agi » au sens de l’art. 7 al. 1. CP.

Enfin, On doit admettre que la notion de résultat au sens de l’art. 7 CP recouvre la notion technique du résultat, élément constitutif de l’infraction, qui caractérise les seuls délits matériels et que c’est seulement le lieu de ce résultat qui, à côté du lieu où l’auteur a agi, est propre à déterminer le lieu de commission d’une infraction ou le for de la poursuite pénale.

Si l’on s’en tient à cette interprétation dans in casu, on constate que le mariage entre deux personnes de même sexe est un délit formel caractérisé par le seul comportement des auteurs consistant à briser l’institution du mariage telle que conçue par le législateur camerounais. Une telle infraction ne saurait comporter un résultat distinct de l’action même de ses auteurs, si bien que le lieu de commission de l’infraction ne peut être ailleurs que là où les auteurs ont agi, même si le bien juridiquement protégé, soit l’institution camerounaise du mariage, est évidemment lésé.

Dans le vu de ce qui précède, le couple Bengono s’étant marié en Suisse, c’est dans ce pays seulement qu’il a commis l’acte homosexuel qui lui est reproché. Et comme le mariage entre les personnes de même sexe est admis en Suisse et n’est donc pas réprimée dans cet Etat, ce couple ne pouvait pas faire l’objet de poursuites par application de l’art. 347 bis du Code pénal camerounais.

Si bien qu’une telle condamnation, passée en force, encourt nécessairement cassation par devant la Cour Suprême.

Charly Noah
Président de l’ONG Action 237-Suisse