À l’échelle mondiale, pas moins de 55 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur de leur propre pays, soit plus du double du nombre de réfugiés ou de demandeurs d’asile, mais la question reçoit peu d’attention, y compris, hélas, pour les anglophones du Cameroun, les camerounais de l’Etrême-Nord

Le mois dernier, les médias du monde entier ont été remplis d’images affligeantes de personnes tentant de fuir l’Afghanistan. La triste réalité est qu’un nombre beaucoup plus important de personnes déplacées et vulnérables restent piégées à l’intérieur des frontières de l’Afghanistan, et ce depuis des décennies. Pourtant, ils font rarement la une des journaux.

À l’échelle mondiale, pas moins de 55 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur de leur propre pays, soit plus du double du nombre de réfugiés ou de demandeurs d’asile. Aucune région n’est épargnée par les déplacements internes, qu’il s’agisse de situations prolongées en Éthiopie, au Myanmar et en Ukraine ou de déplacements liés à des catastrophes aux Fidji et en Haïti. Pourtant, cette question reçoit rarement le niveau nécessaire d’attention et de soutien internationaux. C’est une crise invisible.

En 2019, le Secrétaire général de l’ONU,António Guterres, a créé un Groupe de haut niveau sur les déplacements internes, à la suite d’un appel lancé par 57 pays pour examiner les moyens de mieux faire face à cette crise invisible. Nous avons présenté notre rapport final au Secrétaire général de l’ONU cette semaine, appelant à un changement fondamental dans la façon dont les gouvernements, l’ONU et d’autres entités abordent le déplacement interne. Voici cinq de nos recommandations :

  1. Encourager tous les gouvernements à intensifier leurs efforts

Les gouvernements doivent assumer davantage de responsabilités à l’égard de leurs citoyens et résidents déplacés. Plus de 40 pays ont mis en place des lois et des politiques pour lutter contre le déplacement interne, mais la mise en œuvre s’accompagne souvent de défis. Les déplacements non résolus retardent les progrès nationaux vers le développement, la paix et la prospérité. Et si des communautés entières restent déracinées et dépendantes de l’aide extérieure, les objectifs de développement durable ne pourront pas être atteints.

  1. Adoptez une approche concertée

Les déplacements internes doivent être traités comme plus qu’une simple crise humanitaire avec des interventions à court terme. Il s’agit d’une crise de développement, politique et de paix. L’aide humanitaire est une fonction vitale, mais elle ne peut à elle seule rétablir la stabilité ou fournir les emplois et les moyens de subsistance qui sont essentiels à l’autosuffisance. Toutes les entités de l’ONU qui s’occupent du développement, de la paix et des questions politiques doivent intensifier leurs efforts et œuvrer ensemble à la recherche de solutions pour les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.

  1. Impliquer le secteur privé

Grâce à l’emploi et au soutien aux infrastructures, le secteur privé peut être d’une aide inestimable pour aider les personnes déplacées à se remettre d’une crise. En 2018, la Fondation philippine pour la résilience aux catastrophes, un réseau d’acteurs du secteur privé dans ce pays, a fourni 3 000 offres d’emploi à des personnes touchées par le conflit dans la région de Marawi. Malheureusement, un tel exemple est souvent l’exception plutôt que la norme ; Les entités privées sont rarement reconnues comme des partenaires dans la lutte contre les déplacements internes. Il s’agit d’une occasion manquée importante.

  1. Prévenir les conflits, les catastrophes et les souffrances inutiles

Un leadership politique plus fort est nécessaire pour prévenir les crises qui déplacent les populations. Il faut faire davantage pour désamorcer les conflits et la violence, et il est essentiel de poursuivre l’action et le leadership pour réduire les risques de catastrophes et inverser les tendances du changement climatique. La politique nationale de Vanuatu sur le changement climatique et les déplacements induits par les catastrophes et la loi 387 de la Colombie sur les déplacements internes induits par les conflits en Colombie en sont deux exemples. En l’absence de stratégies de prévention solides, les déplacements et les souffrances augmenteront de façon exponentielle dans les années à venir.

  1. Laissons les personnes déplacées planifier leur rétablissement

La capacité des personnes déplacées à apporter leurs propres solutions doit être mise à profit, et leurs points de vue et leurs intentions doivent éclairer les politiques et les programmes. Plutôt que d’appliquer une approche unique qui est efficiente mais rarement efficace, les États et l’ONU doivent investir dans l’écoute des populations touchées par les crises, en veillant à leur participation significative et en soutenant les efforts menés localement.

Le déplacement interne est une question très complexe et multidimensionnelle. Ces cinq mesures ne sont qu’une partie d’un plan beaucoup plus vaste, rendu possible par un financement prévisible et des données et des preuves solides. Si la pandémie de COVID-19 a appris quelque chose au monde, c’est que nous vivons dans une communauté mondiale véritablement interconnectée : les risques et les souffrances dans un seul pays ne peuvent être traités de manière isolée. Les déplacements internes se produisent à l’intérieur des frontières nationales, mais ils doivent faire l’objet d’une solidarité et d’un soutien internationaux. La vie de millions de personnes est en jeu. C’est une crise trop importante pour être ignorée.

Le rapport du Groupe de haut niveau sur le déplacement interne du Secrétaire général des Nations Unies est disponible ici.

Donald Kaberuka est coprésident du Groupe de haut niveau sur les déplacements internes du Secrétaire général des Nations Unies. Il préside actuellement le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Il était le 7ième Président de la Banque africaine de développement et ancien ministre des Finances du Rwanda.

Federica Mogherini est coprésidente du Groupe de haut niveau sur le déplacement interne du Secrétaire général des Nations Unies. Elle est actuellement rectrice du Collège d’Europe. Auparavant, elle a été haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, vice-présidente de la Commission européenne et ministre italienne des Affaires étrangères et de la Coopération internationale.